Poésie sous paroles
Ayant déjà versé dans l’obamania au moment de l’élection proprement dite, je m’abstiendrai d’en trop rajouter à l’issue de cette journée d’investiture. Les deux millions de spectateurs et quelques qui se sont massés à Washington par des températures négatives sont de toute façon un meilleur indicateur (parmi d’autres possibles), du caractère historique de la journée pour les USA, et dans une certaine mesure pour le reste du monde, que tout ce que je pourrais balbutier en ces humbles lieux. Reste à voir l’œuvre qui s’accomplira.
Je me contenterai de souligner juste deux choses, une positive, une plus négative, qui m’auront marqué cette après-midi.
La première n’est pas vraiment une découverte, mais la cérémonie m’a donné à nouveau l’occasion d’en être frappé. Il s’agit du lien que les Américains entretiennent avec leur Constitution. Je trouve des plus réjouissants que non seulement l’unité politique mais aussi historique des Etats-Unis, et en définitive l’identité même des Américains, soient définies par leur attachement indéfectible aux mots écrits sur une feuille de papier datant du XVIIIe siècle (ce dernier point ne me rendant la chose que plus sympathique, vous vous en doutez, quoique je sois moins touché par ladite Constitution que par la Déclaration d’indépendance qui lui est d’une dizaine d’années antérieure, et dont je vous invite à aller relire l’admirable prose dans la traduction française effectuée par Jefferson lui-même: «Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes: tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.»...). J’ai dit ‘‘des plus réjouissants’’, mais je pourrais dire aussi: des plus admirables. A fortiori si l’on considère en contrepoint l’attitude, vis-à-vis de notre Constitution (certes bien plus récente), de notre prince-président qui semble la considérer comme une espèce de chiffon gênant qu’une bande de vieux barbons rétrogrades ne lui laisse pas ignorer aussi facilement qu’il le voudrait, mais je m’égare.
La deuxième chose qui m’a marqué, de façon plus négative cette fois-ci, est un certain détail dans le traitement télévisuel de cette cérémonie par le service audiovisuel public, j’ai nommé la chaîne France 2 via laquelle j’ai suivi l’évènement. Passons rapidement sur le choix des invités commentateurs: j’aurais aimé entendre plus Pap N’Diaye (et moins Bernard-Henri Lévy), plus Ted Stanger (et moins Hubert Védrine), et on aurait à mon avis pu faire l’économie de la grotesque séquence finale avec Bernard Kouchner. Mais tel est le jeu télévisuel. Passons sur les errements du traducteur, qu’il a fallu remplacer en plein discours tant le résultat tenait du massacre, ce qui est plutôt dommage étant donné les qualités d’orateur de Barack Obama. Appelons ça les aléas du direct. Non, ce qui m’a vraiment énervé, c’est le traitement des ‘‘intermèdes’’ entre les parties strictement politiques de l’évènement. Aretha Franklin, chante: faisons silence pour l’écouter. Très bien, je n’ai rien à redire et me contente de frissonner à l’écoute de la voix, certes cassée, en piteux état, mais toujours diablement émouvante, de la diva de la soul. On annonce qu’un quatuor (constitué d’Itzhak Perlman au violon, de Yo-Yo Ma au violoncelle, de Gabriela Montero au piano et d’Anthony McGill à la clarinette) va interpréter de la musique de type ‘‘classique’’, en l’espèce une composition originale pour l’évènement de John Williams: les commentateurs continuent de parler pendant deux bonnes minutes avant de laisser le spectateur entendre cette musique-là. Enfin, on annonce une poétesse, Elizabeth Alexander, venue lire un poème là encore spécialement composé pour l’occasion. Que place soit faite à la poésie dans un tel contexte (après vérification, seuls Kennedy et Clinton avaient eux aussi donné cette place à des poètes lorsqu’ils ont prêté serment) est quelque chose d’assez admirable, m’a-t-il semblé. Il faut croire qu’il n’en était pas de même pour les gens de chez France 2, qui ont saisi l’occasion pour reprendre leur bavardage, ignorant la voix de la poétesse; non seulement l’idée de proposer une traduction de son texte ne les a semble-t-il pas effleuré, mais pas un mot n’a été dit au sujet de son contenu ni de son auteure. Vous avez dit ‘‘différence culturelle’’?...
Ceux qui ne visiteraient pas systématiquement les liens proposés ci-contre et en particulier le blog de Pierre Assouline, et qui s’intéresseraient aux rapports de Barack Obama avec Elizabeth Alexander, peuvent aller lire cet intéressant billet. Et si quelqu’un trouve quelque part sur la toile une retranscription du poème qui fut prononcé, ce que je ne suis pas parvenu à faire, je lui serais infiniment reconnaissant de me le signaler en commentaire. Merci d’avance.
Ayant déjà versé dans l’obamania au moment de l’élection proprement dite, je m’abstiendrai d’en trop rajouter à l’issue de cette journée d’investiture. Les deux millions de spectateurs et quelques qui se sont massés à Washington par des températures négatives sont de toute façon un meilleur indicateur (parmi d’autres possibles), du caractère historique de la journée pour les USA, et dans une certaine mesure pour le reste du monde, que tout ce que je pourrais balbutier en ces humbles lieux. Reste à voir l’œuvre qui s’accomplira.
Je me contenterai de souligner juste deux choses, une positive, une plus négative, qui m’auront marqué cette après-midi.
La première n’est pas vraiment une découverte, mais la cérémonie m’a donné à nouveau l’occasion d’en être frappé. Il s’agit du lien que les Américains entretiennent avec leur Constitution. Je trouve des plus réjouissants que non seulement l’unité politique mais aussi historique des Etats-Unis, et en définitive l’identité même des Américains, soient définies par leur attachement indéfectible aux mots écrits sur une feuille de papier datant du XVIIIe siècle (ce dernier point ne me rendant la chose que plus sympathique, vous vous en doutez, quoique je sois moins touché par ladite Constitution que par la Déclaration d’indépendance qui lui est d’une dizaine d’années antérieure, et dont je vous invite à aller relire l’admirable prose dans la traduction française effectuée par Jefferson lui-même: «Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes: tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.»...). J’ai dit ‘‘des plus réjouissants’’, mais je pourrais dire aussi: des plus admirables. A fortiori si l’on considère en contrepoint l’attitude, vis-à-vis de notre Constitution (certes bien plus récente), de notre prince-président qui semble la considérer comme une espèce de chiffon gênant qu’une bande de vieux barbons rétrogrades ne lui laisse pas ignorer aussi facilement qu’il le voudrait, mais je m’égare.
La deuxième chose qui m’a marqué, de façon plus négative cette fois-ci, est un certain détail dans le traitement télévisuel de cette cérémonie par le service audiovisuel public, j’ai nommé la chaîne France 2 via laquelle j’ai suivi l’évènement. Passons rapidement sur le choix des invités commentateurs: j’aurais aimé entendre plus Pap N’Diaye (et moins Bernard-Henri Lévy), plus Ted Stanger (et moins Hubert Védrine), et on aurait à mon avis pu faire l’économie de la grotesque séquence finale avec Bernard Kouchner. Mais tel est le jeu télévisuel. Passons sur les errements du traducteur, qu’il a fallu remplacer en plein discours tant le résultat tenait du massacre, ce qui est plutôt dommage étant donné les qualités d’orateur de Barack Obama. Appelons ça les aléas du direct. Non, ce qui m’a vraiment énervé, c’est le traitement des ‘‘intermèdes’’ entre les parties strictement politiques de l’évènement. Aretha Franklin, chante: faisons silence pour l’écouter. Très bien, je n’ai rien à redire et me contente de frissonner à l’écoute de la voix, certes cassée, en piteux état, mais toujours diablement émouvante, de la diva de la soul. On annonce qu’un quatuor (constitué d’Itzhak Perlman au violon, de Yo-Yo Ma au violoncelle, de Gabriela Montero au piano et d’Anthony McGill à la clarinette) va interpréter de la musique de type ‘‘classique’’, en l’espèce une composition originale pour l’évènement de John Williams: les commentateurs continuent de parler pendant deux bonnes minutes avant de laisser le spectateur entendre cette musique-là. Enfin, on annonce une poétesse, Elizabeth Alexander, venue lire un poème là encore spécialement composé pour l’occasion. Que place soit faite à la poésie dans un tel contexte (après vérification, seuls Kennedy et Clinton avaient eux aussi donné cette place à des poètes lorsqu’ils ont prêté serment) est quelque chose d’assez admirable, m’a-t-il semblé. Il faut croire qu’il n’en était pas de même pour les gens de chez France 2, qui ont saisi l’occasion pour reprendre leur bavardage, ignorant la voix de la poétesse; non seulement l’idée de proposer une traduction de son texte ne les a semble-t-il pas effleuré, mais pas un mot n’a été dit au sujet de son contenu ni de son auteure. Vous avez dit ‘‘différence culturelle’’?...
Ceux qui ne visiteraient pas systématiquement les liens proposés ci-contre et en particulier le blog de Pierre Assouline, et qui s’intéresseraient aux rapports de Barack Obama avec Elizabeth Alexander, peuvent aller lire cet intéressant billet. Et si quelqu’un trouve quelque part sur la toile une retranscription du poème qui fut prononcé, ce que je ne suis pas parvenu à faire, je lui serais infiniment reconnaissant de me le signaler en commentaire. Merci d’avance.