25.11.06

Dialogue des morts

J'allume ma télé. Rediffusion d'une émission, en guise d'hommage.

Bernard Rapp parle à Philippe Noiret. Ils parlent de Gérard Philippe.

Drôle d'impression.

21.11.06

Le concours (presque) impossible
– suite (presque) logique du précédent

En guise d’appendice ludique au post précédent, un petit concours, ça faisait longtemps:

Première question: de quel film est extraite l’image suivante? Méfiez-vous des idées toutes faites!

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Deuxième question: qui a organisé la plus grande exposition expressionniste? (Si si, il y a un rapport avec la problématique de la note précédente.)

Comme toujours, mais encore plus à l’occasion de ce concours qui est tout de même d’une certaine difficulté, pour ne pas dire d’une difficulté certaine, la participation est ouverte à tous, y compris aux lecteurs qui passeraient par là et que je ne connais pas. Il n’y a rien de matériel à gagner, mais si au moins la réponse à l’une des deux questions est donnée
via les commentaires ci-dessous, il y aura un petit bonus sympathique (et forcément dans la même thématique...).

20.11.06

Eloignez les enfants

Ce post aurait dû être consacré au Dahlia Noir de De Palma, mais ce sera pour la prochaine fois. Quelque peu échaudé par ma mésaventure "sorbonnarde" du printemps dernier, j’ai depuis évité de donner dans le billet d’humeur – en tout cas portant sur des problèmes par trop généraux, sociétaux, internationaux, etc. Je me suis abstenu de comparer Dominique de V*** et Nicolas S*** à des "Satanas et Diabolo de la politique", même si ça me démangeait (aujourd’hui il semble que ce soit Diabolo qui fasse la course en tête et ça me dérange plus que ça ne me démange, mais ceci est une autre histoire). Je me suis instinctivement tenu à l’écart – pour ce qui est du mode "écrit" en tout cas – du conflit israélo-libanais. J’ai renoncé à tenter de porter un regard posé et aussi objectif que possible sur les propos de Benoît XVI à Ratisbonne et sur la frénésie imbécile qui a suivi. Quand "l’affaire Redeker" a éclaté, j’ai préféré m’abstenir d’apporter mon grain de sel au moulin à paroles médiatique qui a brusquement recommencé à tourner autour des questions de l’islam, de l’islamisme, éventuellement du regard porté dessus par la société occidentale. Je n’ai pas pris la peine de dire mon amusement face aux "nouveaux" talk-shows télévisés et aux permanences remarquables constatées par-delà la valse des diffuseurs et des présentateurs. J’ai réservé pour les conversations privées mes pensées concernant celle qui est à présent la candidate officielle du P.S. Eh bien voilà, ça ne pouvait pas durer éternellement, voici le retour du billet d’humeur.

En septembre dernier, la sortie sur les écrans du dernier film de Jean-Claude Brisseau, Les Anges exterminateurs – sur lequel je n’ai malheureusement pas eu le temps de terminer d’écrire ce que je comptais écrire, mais ne désespérez pas de voir débarquer ça un jour… –, la sortie du film, disais-je, raviva le souvenir des "déboires" juridiques du réalisateur l’année précédente, déboires auxquels il est en effet fait directement allusion dans son dernier opus en date (mais espérons-le pas "dernier" tout court). Au-delà de la divergence des critiques, au-delà de l’aspect attendu de certaines d’entre elles (on se doutait bien que les rédactrices du magazine Elle ne seraient guère enthousiastes…), au-delà même de la séparation entre critiques professionnels et "humbles" internautes amateurs, une sorte de consensus pratique semblait s’être dégagé: même pour prétendre qu’on ne l’évoquerait pas, on ne pouvait pas se passer de parler du procès intenté contre (et perdu par) Brisseau, accusé de harcèlement sexuel par des actrices recalées au casting de son précédent opus Choses secrètes (2002).

Affaire complexe et un peu glauque. Brossons-en rapidement les grands traits pour ceux qui, non-cinéphiles ou non-habitués de la chronique mondaine, seraient passés à côté: le grand méchant réalisateur avait à l’époque fait passer à des jeunes femmes des essais érotiques. Démarche somme tout cohérente dans la mesure où il s’apprêtait à tourner un film centré sur la question du sexe, et dans lequel – je n’ai pas chronométré, mais estimons ça à la louche – les personnages féminins passaient un bon tiers du métrage plus ou moins dénudées, et occupées à se caresser personnellement ou mutuellement. Plutôt que de refuser tout net et de partir en quête de castings plus orthodoxes – ce qui, après tout, aurait été leur droit le plus strict, le plus absolu, le plus respectable –, ces demoiselles se prêtèrent au jeu… mais quand vint l’heure de faire un choix (comme dans n’importe quel casting), celles qui n’avaient finalement pas été retenues s’avisèrent soudain qu’elles avaient été l’objet de pratiques dégoûtantes et portèrent l’affaire devant les tribunaux.

Finalement, le cinéaste évita la prison ferme et l’inscription sur le fichier des délinquants sexuels, mais pas la condamnation et la rétribution financière (trente mille euros), le juge ayant considéré que ses films n’étaient qu’un alibi pour satisfaire son voyeurisme (en voilà un qui a une haute idée de l’art!). Les méthodes de Brisseau sont critiquables, et certes il apparaît qu’il a effectivement sans doute dérapé par moments; mais ne nous leurrons pas, ce que les plaignantes lui ont "reproché", ce n’est pas de leur avoir fait passer des bouts d’essai érotiques, c’est de ne pas, au final, les avoir pris comme actrices. – Que Sabrina Seyvecou, finalement retenue pour le rôle, et qui a passé les mêmes essais, ne fasse pas partie des accusatrices mais soit, au contraire, signataire de la pétition de soutien au cinéaste, est de ce point de vue assez révélateur. – De nos jours, on veut bien se masturber devant un inconnu, mais pas pour rien. Se vendre, oui, d’accord; mais que ça rapporte… d’une façon ou d’une autre.

Moins de deux semaines après la sortie des Anges exterminateurs sur les écrans de l’Hexagone, c’est en Belgique que ça chauffait. Plus exactement à Charleroi, sur la façade du Musée de la Photographie, où l’affiche d’une exposition consacrée au japonais Araki Nobuyushi se voyait nocturnement gratifiée de jets de cocktails molotov. L’attaque fit assez peu de dégâts matériels, mais les réactions furent vives.

– Pour la petite histoire: j’aurais bien voulu illustrer un peu ce billet, mais quand j’ai voulu mettre en ligne le post initialement prévu, qui comportait une reproduction de "l’objet du scandale", j’ai eu la surprise de voir apparaître dans ma fenêtre de prévisualisation, à la place de la photographie attendue, un large encart où l’on m’avertissait en anglais et en grosses lettres noires sur fond rouge que je ne devais pas télécharger de pornographie et que cela pouvait me coûter un bannissement de la part de l’hébergeur de mes images! Pour ceux qui voudraient malgré tout se confronter à l’image délictueuse, vous trouverez une reproduction de l’affiche ici. –

À ceux qui reprochaient au musée d’exposer ainsi un nu dans les rues de la ville – comme si aucun musée n’avait jamais affiché un nu!! –, il fut simplement répondu qu’il ne s’agissait que de faire preuve d’une certaine transparence. La "spécialité" la plus connue du sulfureux nippon étant la représentation sophistiquée de nus ligotés, l’affiche, du moins, annonçait à peu près la couleur. Et le directeur du musée d’ajouter que le plus «déplorable» dans tout ça était peut-être que d’autres photographies placardées au même endroit ces dernières années n’aient pas suscité une indignation similaire: « La guerre, la misère, les mines antipersonnel seraient-elles plus acceptables au XXIème siècle que la représentation d’un corps de femme? ». Le discours est ancien… mais la question reste ouverte.

Venons-en enfin à l’évènement qui a in fine motivé la rédaction de cette note. Il s’agit du dernier rebondissement en date d’une affaire que j’ai découvert tout récemment, en écoutant ma radio dans ma voiture, au retour d’Aix après une journée à la fac.

Il y a six ans de cela était organisée au CAPC (Centre d’Arts Plastiques Contemporain) de Bordeaux une exposition intitulée Présumée innocents et sous-titrée L’art contemporain et l’enfance. Réunissant les créations de 80 des artistes contemporains internationaux les plus renommés, autour du thème – vous l’aurez deviné – de l’enfance, l’exposition fut un succès tant que public que critique. Tout aurait pu se bien passer, sans la réaction d’un pisse-froid père de famille, dont nous tairons ici pudiquement le nom, et qui, choqué par ce qu’il voyait dans l’exposition, s’en alla alerter une association de protection de l’enfance. Ladite association, répondant au doux nom de «La Mouette» (non non ne riez pas, je vous jure que ça n’est pas une blague!!), se porta aussitôt partie civile.

La Mouette avait semble-t-il à ses débuts des intentions plutôt ambitieuses: vingt-cinq artistes (dont certains… décédés!!) étaient en effet visés, et ce n’était rien moins que la destruction de certaines œuvres qui était réclamée. Après six ans d’une longue procédure compliquée par l’internationalisme des artistes, l’association a revu ses visées à la baisse; elles n’en sont pas moins inquiétantes. Les deux commissaires de l’exposition, Marie-Laure Bernadac et Stéphanie Moisdon-Trembley, et le directeur du CAPC au moment des faits, Henri-Claude Cousseau, actuel directeur de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, s’apprêtent en effet à comparaître pour diffusion d’image à caractère pédopornographique. (En clair: images sexuelles impliquant des mineurs.)

Quand on sait qu’aucun représentant de ladite association n’a mis les pieds dans cette exposition, on rit (jaune). Quand on entend Mme G*** (allez, cachons son nom à celle-là aussi, soyons miséricordieux…), présidente de la Mouette, reprocher à la mairie de ne pas avoir interdit l’entrée de l’exposition aux mineurs, on hésite un peu plus. Pourtant, panneaux préventifs, gardiens régulant l’accès à certaines salles, instauration d’un parcours fléché, tout avait semble-t-il était mis en œuvre par le musée pour éviter que les plus jeunes visiteurs soient confrontés à certaines œuvres particulièrement provocatrices. Un millier et demi de "scolaires" (sur les 24 000 visiteurs) sont ainsi passés par là, apparemment sans éprouver la nécessité de crier au scandale. Soit dit en passant, si le fameux père de famille à l’origine de l’affaire avait respecté, tout simplement, ces indications, quand il visitait l’expo avec sa fille, on n’en serait sans doute pas là. Mais il va de soit que l’affaire prend des proportions qui vont bien au-delà de ce cas individuel.

Ecoutons cette édifiante leçon de choses, donnée par Mme G*** (je retranscris ici textuellement son intervention radiodiffusée et podcastée, dans le journal de 18h de France Culture, ce 20/11/2006): «Lorsque je vois moi avec mes petits enfants une statue d’homme normal, ça ne traumatise pas, c’est la nature!… C’est la façon dont ça a été présenté, ce sont des tableaux qui sont choquants, hein… (…) La production artistique (…) ne doit pas présenter tout et n’importe quoi aux personnes de la rue qui n’ont pas cette préparation intellectuelle; c’est pas parce qu’on est artiste que tout est permis. Je vais vous donner un exemple: vous avez un tableau où c’est une grand-mère qui a sous son bras un phallus énorme. Ça veut dire quoi? Quand un enfant voit ça, et moi qui suis au cœur même de la maltraitance, quand des petits garçons, hein, parce que, soit parce qu’ils font pipi au lit, dans la maltraitance on dit ‘‘si tu fais pipi au lit, demain je te coupe le zizi’’, et qu’il voit comme ça un zizi sous le bras d’une grand-mère, peut être traumatisé, en se disant mais effectivement on peut le transporter on peut me le couper! C’est une analyse bien évidemment profonde que je vous dis là [sic], je sais bien que vous n’allez pas la reprendre, mais y a des tas d’images qui peuvent et qui ont choqué très certainement les enfants.»

Je crois que ça se passe de commentaire. La protection de l’enfance est une belle et bonne chose, mais là on sombre dans la plus navrante des déviances. Pour ma part je n’ai strictement aucune idée de ce qu’a voulu exprimer l’artiste qui a peint, dessiné ou sculpté une grand-mère portant sous son bras un phallus, mais il me semble que là n’est en définitive pas la question (en ce qui concerne spécifiquement cette affaire j’entends). Si le seul choix qui nous reste réside dans l’alternative entre une tarée qui menace de couper la ***** à son gamin, et une coincée cul-cul (si j’ose dire) pour qui le seul art acceptable est la statuaire grecque, sensée représentée la «nature» (gageons qu’elle a pas dû voir un vrai corps nu depuis quelques temps…), l’humanité est mal barrée, c’est moi qui vous le dit.

Il ne s’agit pas de tout mélanger: les actes personnels d’un cinéaste (même si, bien sûr, son œuvre est plus ou moins implicitement entrée elle aussi en ligne de compte dans le procès), l’affichage d’une photographie de nu (relativement soft malgré tout) au vu de tous, enfin la présence d’œuvres à l’intérieur même d’un musée, hors d’atteinte d’un public qu’on suppose "trop sensible"… Pas plus qu’il ne s’agit de mélanger ce qui relève assez probablement de l’appât du gain, du fanatisme (pas forcément religieux d’ailleurs), et de ce que j’espère relever, du moins, d’un véritable souci de la protection des plus jeunes (ce souci s’exprimant hélas sous la forme de bons sentiments qui me semblent totalement à côté de la plaque). Et il ne s’agit pas non plus de dire que le statut d’artiste confèrerait une sorte d’immunité, autoriserait tout et n’importe quoi (a fortiori hors du cadre de la création artistique elle-même). Nul besoin, enfin, de convoquer systématiquement les ombres de Baudelaire, Flaubert ou Oscar Wilde: ce n’est pas Pasolini qu’on assassine à chaque fois que les éléments les plus anticonformistes du monde de l’art sont remis en question d’une façon ou d’une autre. Mais tout de même... Chacune à leur manière, ces trois "affaires" jettent me semble-t-il un éclairage des plus nauséeux sur le mélange de "retour à l’ordre moral", d’obsession procédurière et de mercantilisme éhonté qui caractérise la société de notre temps. Et plus que de nunuches et de pères-la-vertu voulant protéger d’œuvres d’art (auxquelles ils n’avaient de toute façon pas accès ) les zenfants et les âmes-bien-nées (qui ont probablement accès à tout un tas d’autres choses…), nous avons peut-être besoin d’artistes pour nous déranger, nous questionner, nous mettre mal à l’aise, nous faire percevoir, s’il en était besoin, que nous ne vivons pas au pays de Candy.

13.11.06

Pensée du jour, bonjour
(En attendant une note un petit peu plus élaborée…..)

Après avoir fait l’expérience dans plusieurs "grandes surfaces culturelles" et librairies de type universitaire, il semble que nous assistions à un phénomène assez étrange: le remplacement d’un nom d’écrivain par un autre. Aujourd’hui, si vous regardez sur les rayonnages d’un libraire à fielding, vous y trouverez très-probablement les livres d’Helen Fielding, la maman de Bridget Jones. Henry Fielding, le père de Tom Jones (nan pas le chanteur!!) et de Joseph Andrews, n’existe plus.