11.8.09

Partance

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Quero ir convosco, quero ir convosco,
Ao mesmo tempo com vós todos
Pra toda a parte pr’onde fostes!
Quero encontrar vossos perigos frente a frente,
Sentir na minha cara os ventos que engelharam as vossas,
Cuspir dos lábios o sal dos mares que beijaram os vossos,
Ter braços na vossa faina, partilhar das vossas tormentas,
Chegar como vós, enfim, a extraordinários portos!
Fugir convosco à civilização!
Perder convosco a noção da moral!
Sentir mudar-se no longe a minha humanidade!
Beber convosco em mares do Sul
Novas selvajarias, novas balbúrdias da alma,
Novos fogos centrais no meu vulcânico espírito!
Ir convosco, despir de mim – ah! põe-te daqui pra fora! –
O meu traje de civilizado, a minha brandura de acções,
Meu medo inato das cadeias,
Minha pacifica vida,
A minha vida sentada, estática, regrada e revista!

No mar, no mar, no mar, no mar,
Eh! Pôr no mar, ao vento, às vagas,
A minha vida!
Salgar de espuma arremessada pelos ventos
Meu paladar des grandes viagens.
Fustigar de água chicoteante as carnes da minha aventura,
Repassar de frios oceânicos os ossos da minha existência,
Flagelar, cortar, engelhar de ventos, de espumas, de sóis,
Meu ser ciclónico e atlântico,
Meus nervos postos comos enxárcias,
Lira nas mãos dos ventos!

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Je veux m’en aller avec vous, je veux m’en aller avec vous,
En même temps avec vous tous
Dans tous les lieux où vous êtes allés!
Je veux affronter moi-même les dangers que vous avez connus,
Sentir sur mon visage les vents qui ont buriné les vôtres,
Recracher par mes lèvres le sel des mers qui ont embrassé les vôtres,
Avoir des bras pour partager votre besogne et vos tourments,
Comme vous, enfin, gagner des ports extraordinaires!
Fuir avec vous la civilisation!
Perdre avec vous la notion de morale!
Sentir au loin se métamorphoser mon humanité!
Boire avec vous dans les mers du Sud
De nouvelles sauvageries, de nouveaux branle-bas de l’âme,
De nouveaux feux au centre de mon esprit volcanique!
M’en aller avec vous, quitter – ah oui! hors de ma vue! –
Mon costume de civilisé, la douceur de mes actions,
Ma crainte innée de la prison,
Ma vie pacifique,
Ma vie assise, statique, réglée, révisée!

À la mer, à la mer, à la mer, à la mer,
Ah! Jeter à la mer, au vent, aux vagues,
Ma vie!
Saler mon appétit pour les grands voyages
De l’écume soulevée par les vents.
Fustiger d’eau cinglante les chairs de mes aventures,
Inonder de froids océaniques les os de mon existence,
Flageller, sectionner, buriner à coups de vents, d’écume, de soleil,
Mon être cyclonique et atlantique,
Mes nerfs disposés comme des agrès,
Lyre dans les mains des vents!



Extrait de l’Ode maritime (Ode marítima, 1915) de Fernando Pessoa (‘‘Alvaro de Campos’’) et traduction de Michel Chandeigne et Pierre Léglise-Costa. Photos personnelles, Lisbonne, vues sur l’embouchure du Tage, août 2009.