18.7.06

Confiez les spectateurs à des professionnels

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C’est l’été: confiez vos enfants à la colonie de vacances «Ces Jours Heureux». Au programme: trois semaines d’activités ludiques et éducatives en Charente Maritime, sous la haute surveillance d’un véritable homme orchestre: Vincent Rousseau, alias le directeur. Car c’est sur lui que tout repose. Petits bobos et crises d’ego, activités planifiées et imprévus carabinés, le directeur doit pourvoir tout gérer... mais vraiment TOUT: du pédopsychiatre renommé incapable de "couper le cordon" avec son fils caractériel et hyperactif, à la transformation pour cause de pluie d’une sortie à la plage en découverte du Musée de la Charentaise, de l’assistance médicale qui avoue au moment du départ qu’elle n’a jamais obtenu son diplôme, au gamin de huit ans qui lit Les Echos et La Vie Financière, de la bombe anatomique incapable de faire consciencieusement son travail d’animatrice, au cuisteau pas franchement spécialiste de la cuisine légère et équilibrée, on a bien dit TOUT, y compris aussi la visite surprise autant que matinale de deux inspecteurs de Jeunesse & Sport.

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Il y a quelques années de ça maintenant, j’avais pu voir un excellent court-métrage d’Eric Toledano et Olivier Nakache. Il montrait simplement le départ et le retour (avec la différence d’ambiance qu’on imagine...) d’un car de colonie de vacances. Cet été, le tandem remet ça au format long. Avec la volonté de parler de ce qui se passe dans cet intervalle qu’ils n’avaient pas pu traiter à l’époque. Le film a su conquérir aussi bien le public qu’une bonne partie de la critique, et grâce au bouche à oreille, il a de bonnes chances de devenir le succès français de l’été.

Attention, il ne s’agit pas de dire qu’avec Nos jours heureux on tient un jalon essentiel de l’histoire du Septième Art, une date incontournable, un film à la fois essentiel et révolutionnaire. Ce serait non seulement faux mais déplacé, car là n’est visiblement pas l’intention du duo Toledano / Nakache. Le pari serait plutôt d’apporter aux spectateurs un film frais et divertissant, bon enfant sans tomber dans le potache lourd, sans prise de tête supplémentaire. Et de ce point de vue-là, c’est plutôt réussi. Et si en plus, ils parviennent à réveiller la mémoire de ceux qui ont vécu étant enfants la grande aventure des colonies de vacances (catégorie dans laquelle je ne joue pas vraiment, moi l’asocial qui garde un souvenir traumatisant de la semaine de stage de voile au Frioul gagnée au loto de l’école... mais là n’est pas la question), si, disais-je, ils raniment pleins de souvenirs dans la tête des plus nostalgiques spectateurs, alors là, c’est carrément le jackpot.

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À côté de ça, certes, la réalisation est réduite au minimum utile (mais en même temps vous imaginez des effets de caméra à la Scorsese au milieu de la colo?), les dialogues n’ont pas l’air d’un potentiel vivier de répliques cultes (à l’inverse du récent OSS 117, pour rester dans le domaine), enfin le scénario ne brille pas tout à fait par son originalité forcenée, si on en juge par l’impression qu’on a, malgré tout, d’avoir déjà vu, voire revu, traité le sujet d’un certain nombre de séquences (la transformation du vilain petit canard en idole des filles, les amours de colo, etc.). Encore que sur ce dernier point, le film sache maintenir un certain équilibre entre ces scènes attendues et d’autres idées plus originales et moins "politiquement correctes" (les enfants qui font des paris lucratifs sur la vie sentimentale du directeur, la transformation d’une animatrice timide et effacée en virago surexcitée, le cas d’un gamin hyperactif réglé à grandes doses de calmants...), voire joyeusement barrées (le jeune faisant du vélo en slip dans la cour au petit matin, pendant l’inspection de Jeunesse & Sport).

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À mettre également au crédit du film, son refus du manichéisme dans la présentation des personnages. Personne n’est parfait, tous évoluent, et le tandem de réalisateurs-scénaristes a le talent de conférer de la profondeur à chacun avec l’élégance de ne pas en avoir l’air. Nos jours heureux ne se contente pas de jouer sur un certain nombre de souvenirs collectifs (la course en sac, la boum de fin de séjour), mais soigne ses personnages, tant du côté des animateurs, adulescents plus ou moins (ir)responsables, que de celui des enfants. Il faut dire que des deux côtés, le choix des interprètes est également des plus judicieux. Comme il faudrait en citer beaucoup, et qu’en plus j’ai pas tous les noms (surtout côté enfants), bornons-nous à saluer la prestation, tout à fait digne d’éloges, de Jean-Paul Rouve dans le rôle de Vincent, le directeur, clown lunaire, attachant et délirant, sorte de Don Quichotte qui tente de se persuader qu’il y croit encore, parfois grande gueule, parfois effacé comme un gamin timide, toujours profondément humain. Avec le rôle qu’ils lui offrent, lui permettant d’explorer une large palette de sentiments, Toledano et Nakache arriveraient presque à nous persuader qu’on tient le nouveau Patrick Dewaere du cinéma français.

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