2.6.06

La valeur n’attend pas le nombre des années
(...mais pour avoir une augmentation, il vaut mieux compter dessus)

Il y a les festivals dont tout le monde parle, genre le festival de Cannes. Qui au passage s’est ouvert cette année sur l’un des pétards mouillés parmi les plus monumentaux dont j’ai entendu parler, je parle bien sûr du:

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Ah! toutes ces couvertures de presse sur «l’événement»... jusqu’à ce que les journalistes soient autorisés à voir le film... eheh... Festival qui (je continue ma petit digression) s’est heureusement bien rattrapé au moment du palmarès. Bien sûr il est extrêmement dur de porter un jugement sans avoir vu les films en compétition, mais enfin, vu de chez moi, il a l’air pas mal du tout ce palmarès. – Bon, à écouter la télé, tout le monde le critique, il est trop ceci pas assez cela, mais bien sûr, comme j’ai pu le constater depuis un certain nombre d’années, personne n’est jamais content du palmarès cannois, et s’il faut reprocher à la fois tout et son contraire (mise en scène trop "classique" pour Ken Loach, trop "radicale" pour Bruno Dumont), eh bien ce sera fait, il n’y a pas de raison. – Fin de la parenthèse cannoise et cinématographique.

Je disais donc il y a les festivals dont tout le monde parle, et ceux dont personne n’entend jamais parler. Non non, ça ne se résume pas au Festival de la Morue de Jouy-en-Bareuil. Tenez, prenez le Rideau Rouge, autrement dit le festival de théâtre étudiant de Science Po. Ils en sont à leur 5e édition et pour la première fois se sont même payés le luxe de faire intervenir un jury professionnel, composé cette année de Philippe Tesson, Catherine Dasté, Elodie Navarre, Christophe Barbier, Florian Zeller et Caterina Murino.

Comment ai-je échoué là, et comment se fait-il que ce fut précisément devant la pièce qui a remporté ensuite le prix du meilleur spectacle? Flair exceptionnel? Coïncidence astrale? Ou encore plus compliqué: par le fait que ma petite amie soit copine avec l’une des actrices de la pièce, laquelle va se marier cet été au Liban, mariage auquel ma petite amie est invitée ainsi que moi (mais je ne pourrais pas m’y rendre pour de basses raisons 1. financières, 2. de préparation intensive de l’agrégation cet été), et que plusieurs interprètes de la pièces ainsi que le metteur en scène? Je vous laisse deviner.

Quelques indices pour vous aider à trouver la bonne réponse:

- ici l’une des actrices et son fiancé photographiés il y a quelques mois dans une crêperie:

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- ici l’un des acteurs et son metteur en scène en train de préparer un voyage au Liban chez Sophie quelques jours après la représentation:

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(Sinon y a réponse D: ObiWan Kénobi, comme toujours...)

Bref.

Tout ça pour dire que j’ai assisté, non sans bonheur et grande joie de ma part, à la représentation de L’Augmentation de Georges Pérec dans le cadre du susdit festival.

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Tout n’était pourtant pas gagné d’avance.

Premièrement, parce que si Sarah ne jouait pas dedans, je ne me serais pas forcément déplacé pour aller voir une pièce de Pérec, soit une pièce dont j’ignorais l’existence signé d’un auteur que j’avoue ne pratiquement pas connaître mais qui a priori ne m’attire pas franchement (j’en connais une qui si elle lit ça me le fera payer :D ... au fait félicitations à Thibaut!).

Deuxièmement, la ponctualité légendaire de Sophie nous a permis de rater de quelques dizaines de secondes le dernier bus susceptible de nous amener dans les temps à la représentation. Il a donc fallu faire le trajet à pied, au pas de course. Sauf que ma moitié, persuadée qu’elle attraperait le fameux bus, n’avait pas pensé à se munir de son précieux plan de Paris. C’est donc sur sa seule suprême capacité d’orientation que nous avons fait le trajet. Le résultat étant – près d’une demi-heure après notre départ, soit à l’heure où la pièce devait commencer – que nous avons réussi à rallier l’endroit où elle imaginait que la salle se trouvait. Sauf qu’après consultation d’un plan accortement proposée par une passante – frappée sans doute par les propos de ma compagne exprimant à haute voix et en termes peu mesurés ce qu’elle pensait du manque de panneaux indicateurs dans cet arrondissement –, nous n’étions pas du tout dans le bon quartier et encore à vingt bonnes minutes à pieds de ladite salle.

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Croyez-vous que cela nous... enfin surtout l’aurait fait renoncer?? Non!!! N’écoutant que sa détermination (et surtout pas mes plaintes et mes râles d’agonie), Sophie partit bravement à la recherche de son objectif, divaguant à travers les rues plus ou moins au p’tit bonheur la chance (c’est du moins l’impression que j’avais, moi, derrière, tentant de la suivre en traînant mes jambes recouvertes de béton), montant et re-montant en sens inverse des avenues à la recherche d’on ne sait quel signe mystérieux lui donnant l’orientation à suivre..... tout cela pour arriver devant la salle vingt-cinq minutes APRES l’heure prévue pour le début de la représentation.... soit cinq minutes AVANT le début effectif de celle-ci!! C’est bien le théâtre étudiant! Ils sont encore moins ponctuels que ma copine! Ahahahah! (rire dément annonçant l’ultime râle)

(Petite précision: à l’heure où j’écris ces lignes, Sophie est en train de passer ses journées agenouillée dans la boue, à manier la pelle, la brouette et la pioche dans un bled du fin fond du Pas-de-Calais où elle effectue un stage d’archéologie d’une semaine. Elle ne découvrira donc que dans quelques jours, à son retour dans la capitale et la civilisation, ce post, et j’ose à peine imaginer l’état dans lequel la mettra la découverte de ce récit circonstancié, et ce qu’elle imaginera pour me le faire payer. Ora pro ma pomme, merci d’avance.)

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Le temps, pendant que Sophie s’occupe de prendre les places (ah oui j’avais oublié: on n’avait pas les billets!), de me diriger vers le bar et d’engloutir deux verres de jus de pomme pour sauver mon gosier de l’amputation (verres qui seront suivis par trois ou quatre autres à la fin du spectacle), et nous pénétrons enfin dans la salle, ET je vais enfin en venir au vif du sujet.

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L’Augmentation est à l’origine un monologue, ici réarrangé pour être tenu par cinq acteurs.

«Vous avez mûrement réfléchi. Vous avez pris votre décision et vous allez voir votre chef de service pour lui demander une augmentation.» Ainsi commence une épopée héroï-comique, systématiquement construite grammaticalement sur le même modèle (ici incarné par les différents acteurs: proposition, alternative, hypothèse positive, hypothèse négative, etc.). Une quête quasi perdue d’avance d’un réajustement de salaire, où le héros, comme la structure grammaticale, tourne en rond, répète inlassablement à peu près le même parcours dans un univers absurde – c’est-à-dire discrètement inquiétant et... férocement comique bien sûr! – où les conditions socio-économiques nationales sont autant à prendre en compte que les sautes d’humeur de mademoiselle Yolande (en face du bureau du chef de service) ou l’éventualité d’une mortelle épidémie de rougeole...

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Bon je sais que je vous ai habitué à des critiques un peu plus fouillées, mais là outre que ce post a beaucoup de retard sur l’événement, moi aussi (mais moi c’est sur mon boulot de fac que j’ai du retard!). En plus quand je me livre à ce genre d’exercice je n’ai pratiquement jamais de commentaire, alors pour une fois, voilà, je n’irai pas plus loin que ça! ;-)

Surtout un grand bravo aux comédiens – Robin Devillers, Chiara Riccobene, Alexandra Prieux, Elvire Sibaud, Sarah H**** et Benjamin Legros – et au metteur en scène – Matthieu Fayette – pour cette fort sympathique soirée. Là encore je peux difficilement porter un jugement sans avoir vu tous les spectacles proposés pendant le festival, mais après tout ceci n’est qu’un blog, je peux donc, cornebouc, me permettre d’être péremptoire et subjectif, et affirmer haut et fort que leur Augmentation n’a pas volé son titre de meilleur spectacle.