8.4.09

Le bilan, 1ère partie: l’effort

Quelques jours de repos m’ayant permis de retrouver un état physiologique et psychologique à peu près normal, voici venu le temps d’un rapide bilan de mes aventures agrégatives, à destination de ceux que ça intéresserait.

1. ET LE XVIIIe, BORDEL ?!!! Les médiévistes ont l’habitude de se plaindre abondamment du caractère peu représenté à l’agrégation de leur période de prédilection (en dehors de l’épreuve d’ancien français, bien sûr). Eh bien, ils devraient regarder quel est le lot des dix-huitiémistes, à côté desquels ils font figure de chouchous. C’est bien simple, au cours des quarante dernières années, la dissertation de littérature française a porté sur l’œuvre du XVIIIe siècle inscrite au programme par... trois fois, dont la dernière en 1981, pour le théâtre de Beaumarchais! Si j’avais besoin d’une preuve supplémentaire que je me spécialise dans l’étude d’un siècle qui n’intéresse à peu près personne, merci, c’est bon. Cette année encore, malgré ce que prétendait flairer M. L***, même le Dictionnaire philosophique de Voltaire – œuvre importante d’un auteur ‘‘canonique’’, œuvre originale du point de vue du genre, œuvre, enfin, nettement plus complexe à appréhender qu’on ne pourrait s’y attendre a priori (mais œuvre, il est vrai, déjà ‘‘tombée’’ en... 1974) – même le Dictionnaire philosophique de Voltaire, disais-je, n’aura pu changer la donne. Au lieu de quoi, c’est le père Hugo qu’on convoque encore une fois, pour Hernani et Ruy Blas, avec comme base de réflexion proposée une citation d’Anne Ubersfeld, grande prêtresse de l’absconserie critique en matière de théâtre (quoiqu’en notoire perte de crédibilité ces derniers temps, on se demande bien pourquoi...). Tenez, pour le fun, je vous livre, tout nu tout cru, le sujet qui a inauguré pour nous la semaine des écrits: «L’intériorité se renverse, et c’est le masque et la théâtralisation qui représentent contre la profondeur mensongère la véracité du moi. Le lieu du Moi n’est pas situé ailleurs que dans l’apparence carnavalesque. Pas de ‘‘profondeur’’ cachée, mais un dire-vrai étale, offert à tous les yeux, exhibitionniste, celui du moi qui ne peut être récupéré qu’accepté dans la provocation de sa monstruosité. Le moi dramatique chez Hugo réside dans cette acceptation, dans le fait qu’il n’existe que dans ce qu’il montre, c’est-à-dire le monstre». Je tiens à le dire: je hais Anne Ubersfeld.

Et pendant que j’en suis à étaler des petites rancœurs:

2. J’aimerais bien qu’on nous explique au terme de quels processus exactement, effectués par quels charlots, l’académie nous a choisi comme lieu d’examen cette année Vitrolles, et plus précisément à Vitrolles, un collège en activité (avec donc sonneries des heures et réguliers bruits de meute préadolescente à la clé) et en travaux. Travaux du genre: grands, de ceux qui font par moments carrément vibrer la salle. Et quand, alors que vous en êtes à votre 6e heure sur 7 de dissertation de littérature comparée, avec le cerveau dans l’état d’usure afférant, et que juste de l’autre côté des vitres, mais quasiment comme s’ils étaient dans la même pièce, vous entendez beugler pendant plus d’un quart d’heure un ouvrier et un contremaître qui s’engueulent, je vous raconte même pas le bonheur.

3. Indépendamment de la difficulté du texte, indépendamment de mes faiblesses personnelles dans la matière, je pense que j’exprimerai un avis largement partagé par la plupart de mes condisciples en signalant que le type responsable du choix du sujet de la version latine cette année – une apologie du suicide tirée de la 70e des Lettres à Lucilius de Sénèque – est un sadique de la plus méprisable espèce. Quand on se retrouve, au quatrième jour des épreuves, à décrypter un texte qui explique qu’il y a plus de grandeur à mettre volontairement fin à ses jours, même par les moyens les plus sordides, qu’à accepter une vie indigne et soumise, il n’est pas difficile de voir qu’on cherche à nous transmettre un message.

Plus généralement:

4. Je ne me livrerai à aucun pronostic concernant mes résultats. Spontanément, et en dépit de tout ce dont je parle dans les lignes ci-dessus, j’aime à penser que la moitié des épreuves s’est ‘‘plutôt bien’’ déroulée et que je peux m’attendre à de ‘‘plutôt bonnes’’ notes en littérature comparée, grammaire et version anglaise. Revers de la formulation: pour chacune de ces épreuves, on trouve un équivalent (y compris en termes de coefficients) qui s’est passé – toujours à mon avis subjectif et sur le moment –, disons, ‘‘moyennement’’ voire moins que moyennement. Mais quoi qu’il en soit, l’expérience m’a appris que mon aptitude à juger de la qualité de mon travail devient totalement inopérante dans le cadre des concours. À titre d’exemple (fût-il extrême), lors de mes deux précédentes tentatives, je suis sorti de l’épreuve de grammaire avec à peu près le même sentiment concernant ma prestation; laquelle s’est soldée la première fois par un 2, la seconde par un 12. Donc, wait and see, comme disait Roosevelt (fin 1941). Résultats officiels attendus pour début juin: on verra à ce moment-là.

(À suivre...)