17.12.08

La maison hantée au croisement des mondes

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La maison n’était qu’un nœud de ténèbres
Reviens veux-tu bien nos pas recroiser
A-t-elle toujours ses volets funèbres
L’escalier de pierre aux marches brisées

Dis tu t’en souviens de l’enclos des murs
Où les lys avaient follement fleuri
La ronce y poussait dont saignaient les mûres
Nous rêvions alors y chercher abri

J’y revois toujours ta robe légère
Repassons le seuil en vain condamné
Retrouver ici l’odeur passagère
Qui remonte à nous du fond des années

Je trace ton nom sur le figuier mâle
Qui a ce parfum des corps entr’aimés
Ton nom va grandir dans l’écorce pâle
Avec l’arbre et l’ombre au jardin fermé

Peu à peu perdant la forme des lettres
Qu’il s’écarte donc comme font les plaies
Illisible alors au passant peut-être
Ce cri de soleil dont je t’appelais

Les mots que l’on dit sur les lèvres meurent
Le sens qu’ils portaient s’éteint lentement
Il faut apprécier que rien n’en demeure
Les baisers sont seuls partis les amants

Je ne t’ai donné qu’un chant périssable
Comme était ce cœur pourtant qui battit
Ah mon triste amour mon château de sable
Les baisers sont seuls les amants partis



Louis Aragon, Le Fou d’Elsa, «Chari’ (Le figuier)», 1963. Photogramme: Psychose (Psycho) d’Alfred Hitchcock, 1960.