13.8.07

Grande cuisine pour tous les palais

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Partant pour la semaine du côté de Collioure, je n’ai pas le temps de rédiger avant mon départ tous les billets que j’aurais aimé rédiger. Il a donc fallu faire un choix. En conséquence, j’ai abandonné l’idée d’un post fruit de mes petites réflexions concernant aussi bien les funérailles de Mgr Lustiger, les propos glauques tenus par notre sinistre clown en chef Président de la République sur le parvis, et les tristes évènements du festival de Lagrasse (le genre de billets un peu polémiques qui me ramènent généralement des lecteurs mais dont je suis rarement content ensuite, de toutes façons...), et j’ai remis à plus tard le couchage sur le papier l’écran blanc de mes impressions concernant l’exposition de dessins de Bonnard à Marseille. À tant faire, autant que pendant une semaine ce blog s’ouvre une note un peu festive et résolument positive.

Car si je parlais il y a quelques jours de ma volonté de présenter mes coups de cœur et mes coups de gueule sans me conformer forcément au «discours promotionnel officiel», je me vois bien contraint – et je le fais même avec plaisir – à ajouter ma petite voix au chœur unanime qui chante la réussite de Ratatouille, dernier né des studios d’animation Pixar, scénarisé et réalisé par Brad Bird (qui nous avait déjà offert les sympathiques Indestructibles il y a trois ans).

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Ratatouille (titre officiel en v.o. comme en v.f. et dans toutes les autres langues, avec d’amusantes transcriptions phonétiques en dessous sur les affiches), c’est donc l’histoire de Rémy, rat fin gourmet que ce trait tient à l’écart du reste de sa famille, qui voit en lui, au mieux, un détecteur de poison corvéable à merci, au pire un sentencieux empêcheur de bâfrer en rond. Séparé de sa tribu, Rémy échoue à Paris – capitale du Raffinement Français en tous domaines y compris celui de l’art culinaire – et s’invite dans les cuisines du grand restaurant Chez Gusteau, fondé par son modèle et ange gardien, feu Auguste Gusteau. À la suite de quelques péripéties que je vous laisse le soin de découvrir, Rémy va se retrouver sous la toque de Linguini, jeune commis brusquement propulsé chef, qu’il entreprendra de guider, avec un projet fou: devenir, à eux deux, le plus grand cuisinier de Paris. Une voie, est-il besoin de le préciser? semée d’embûches.

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Que dire de Ratatouille, sinon mon admiration et le plaisir pris à sa vision?

La qualité de l’animation et des images de synthèse – réglons la question obligée une fois pour toutes – y atteint des sommets pour mieux y disparaître. Tel le diable selon une formule connue, le plus grand coup de l’animation Pixar est de nous faire croire qu’elle n’existe pas. Non seulement parce que certains éléments – certains aliments, certains décors – atteignent un niveau de réalisme encore inédit dans le genre; mais parce que même lorsque ce n’est pas le cas, le spectateur ne se pose pas la question de la réussite du film sur le plan technique. Nous ne sommes plus là devant un film d’animation mais devant du cinéma tout court. Et cela tient tant à la faculté de Brad Bird de faire véritablement de la mise en scène qu’à sa maîtrise du scénario, car, à l’inverse d’un Cars peut-être formellement impressionnant mais bien creux par ailleurs, Ratatouille gagne sur tous les tableaux.

Oh! bien sûr après ma note sur Bergman, il y aura peut-être des esprits chagrins pour se dire (voire me dire) que je passe d’un extrême à l’autre. Ce n’est certes pas dans Ratatouille qu’il faudra aller chercher des méditations inquiètes sur la condition humaine, de la grandeur tragique, etc. Le message essentiel ici: il faut croire en ses rêves et trouver sa propre voie. Mais, outre qu’il y a pire comme ‘‘message’’ (puisque nécessité de message il y a, après tout on est chez Disney), Brad Bird a l’intelligence de ne pas se montrer lourdement didactique et surtout d’assaisonner le tout au gré d’une histoire de fous qui nous emporte, sourire aux lèvres, à 150 à l’heure.

Dans un Paris de convention fantaisiste (pavés, bérets, D.S. et scooters comme seuls moyens de locomotion, et Eiffel Tower scintillante en permanence) dont le caractère ouvertement et totalement irréaliste – par là même au-delà de toute critique nationalo-tatillonne – n’est pas sans rappeler Un Américain à Paris de Minnelli, Ratatouille va son joyeux train d’enfer, zigzagant comme dans une cuisine à l’heure du coup de feu au fil de rebondissements qui sont loin d’être tous ‘‘attendus’’, en un allègre délire où interviennent, pêle-mêle, un chef irascible et cupide, un critique culinaire aussi psychorigide que redouté, une histoire d’héritage et de testament, l’Amoûr (toujours) et les services d’inspection de l’hygiène. Ratatouille, comme Paris, est une fête: une fête de tous les sens qui transcende somptueusement le détail de sa composition pour aboutir à un résultat étonnant et délicieux, à même de ravir le public enfantin comme le cinéphile exigeant, de 6 à 166 ans.

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