19.8.06

La minute psychédélique du jour

La semaine dernière j’avais acheté Boris Godounov de Moussorgsky dans une célèbre enseigne à quatre lettres, laquelle a eu la bonne idée (ou la mauvaise, si on se place du point de vue de mon portefeuille) d’ouvrir un magasin non loin de chez moi.

Comme certains le savent peut-être déjà, en musique, comme dans d’autres domaines d’ailleurs, j’ai des goûts qui donnent plutôt dans l’éclectisme (je sais c’est fatiguant). C’est peut-être ma façon de poursuivre un certain idéal encyclopédique façon Renaissance, ou tout simplement que je ne vois pas pourquoi je devrais choisir entre Beethoven et Pink Floyd, Rachmaninov et John Coltrane, Mozart et Jean-Jacques Goldman, etc. Il ne s’agit pas de dire que tout se vaut, mais pourquoi se restreindre à un seul "champ", étant bien évident que je ne "recherche" pas la même chose si j’insère dans ma chaîne hi-fi un disque de Rameau ou de the Cure, une symphonie romantique ou un album de métalleux scandinaves (quoique, dans ce cas précis, il y a parfois des liens :-D), du Bénabar ou... bref vous m’avez compris et je ne vais pas continuer trente ans ces jeux d’oppositions hasardeuses. Mais, comme il est matériellement impossible de tout écouter en même temps – et budgétairement très dangereux de tout acheter en même temps! –, je fonctionne souvent par périodes. Et là, pour différentes raisons, je suis dans une période qu’on va étiqueter «retour au "Classique"» (et en particulier à l’opéra).

Bref j’achète Boris Godounov, mais comme ça dure un peu plus de trois heures, j’attends d’avoir du temps devant moi pour l’écouter. Ce qui m’a semblé être le cas en ce début d’après-midi. Je sors donc le premier des trois disques, le mets dans ma chaîne hi-fi, et là......

...celle-ci s’attarde un peu plus que la normale sur l’affichage de "Reading", avant de m’afficher un terrifiant "Error!". Il refuse de lire le CD. Merde, qu’est-ce qui se passe? Je teste aussitôt les deux autres disques du coffret, tout marche bien. Je teste le premier CD dans mon ordi portable, et là ça marche. Ah.

Je cherche le numéro du magasin sur Internet, appelle, explique mon cas à mon interlocutrice, là ça marche mais là ça marche pas (et bon vous comprenez bien qu’un ordinateur portable n’est pas tout à fait ce qu’il y a de mieux pour diffuser de la musique de façon générale et de l’opéra en particulier), du coup vous acceptez de me le changer ou pas, oui, ah, super, merveilleux, d’accord j’arrive.

Arriver sur place, réexpliquer la situation aux gars de l’accueil à qui je confie mon coffret contre un chouette papelard vert, que je présente ensuite aux vendeuses "spécialistes" (?) du rayon musique, devoir tout expliquer encore, celles-là sont nettement moins conciliantes, ne comprennent pas bien ce que je veux, ni pourquoi j’ai mis autant de temps à écouter le CD (visiblement ne pas consommer à la seconde près ce qu’on vient d’acquérir est hautement suspect pour elles), doivent se renseigner auprès de leur supérieur. Au bout d’un moment l’une d’elle revient et réécrit sur le papier vert en m’expliquant qu’il faut que je me fasse rembourser à la caisse ou que je déduise la somme d’un nouvel achat. Evidemment ils n’ont pas en stock la version que j’avais acheté de Boris Godounov, donc pas question d’échange standard, je dois le commander.

Bon ceci fait... puisque je suis là... pourquoi ne pas fureter un peu dans les rayons?

Je décide de m’intéresser au Chant de la Terre de Mahler, ils en ont quatre versions, prix variant du simple au quasi triple, je les embarque toutes les quatre pour les comparer aux bornes d’écoute. Bonne nouvelle, la version la plus intéressante à l’oreille est aussi la moins chère: Kathleen Ferrier à la voix, Bruno Walter à la baguette, 7 euros chez Naxos historical. Enregistrement ancien, mais le son n’a pas l’air d’en souffrir. Emballez c’est pesé.


Et c’est là que les choses deviennent très intéressantes. En conséquence de tous les éléments précédemment évoqués, j’arrive donc à la caisse avec donc
– un disque à 7 euros
– et un papier stipulant qu’on doit me rembourser 31 pour un autre disque...

...et pour tout arranger la demoiselle derrière la caisse est certes charmante, sympathique, pleine de bonne volonté je n’en doute pas, mais, visiblement, tout à fait débutante dans ce rôle!

Je réexplique mon cas (eh oui encore...), elle cherche à résoudre le problème, finis par me demander de payer 24 euros, je lui fait remarquer que non, ce n’est pas à moi de payer 24 euros un disque qui en coûte 7, mais que ça doit plutôt correspondre à la somme qu’on doit me rembourser une fois mon achat du jour déduit. Elle me demande néanmoins de passer ma carte bleue dans le lecteur, je ne comprends pas bien pourquoi mais je le fais.

Biip, un papier sort, elle me dit que c’est bon. Je m’étonne, tout de même. Non non, c’est bon. En fait ma carte bleue vient d’être créditée desdits 24 euros. Je vérifie d’un coup d’œil le papier, remercie et part avec mon disque... un franc sourire aux lèvres.



Si je m’étais simplement fait rembourser Boris Godounov, bon, opération un peu normale quoi (même si ça m’arrive rarement ce genre de choses). Mais là, le coup de me faire créditer de l’argent sur ma carte et de partir avec un CD... j’ai eu l’impression qu’on me payait pour "acheter" (prendre) le disque!

Alors objectivement, rationnellement, je sais bien que ça n’est pas le cas, que même si ces 7 euros n’ont pas été retirés de mon compte, dans quelques jours quand le Boris que j’ai commandé sera arrivé en magasin, je devrais à nouveau le repayer et que donc au final ça reviendra exactement au même... N’empêche! Rien que pour cette sensation – carrément psychédélique – au moment de passer à la caisse, ça valait le coup toute cette histoire!