4.8.06

Et au milieu joue un piano

Les carrières de Rognes: des blocs de granit taillés en angles abrupts, que la végétation ceinture et réinvestit. Décor éminemment cézannien (décidément...), en dépit du fait que le peintre n’y ait jamais, à ma connaissance, posé son chevalet. Au milieu, une scène. Sur cette scène, un piano que Baptiste Trotignon est allé rejoindre hier soir sous les applaudissements. Le vent fait vibrer les frondaisons alentour tandis que les premières notes s’élèvent. La magie opère, instantanément.

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Depuis un certain nombre d’années que mon auguste génitrice et moi-même fréquentons chaque été le festival de La Roque d’Anthéron, nous avons eu l’occasion d’assister à des concerts dans quelques-uns des lieux où celui-ci, en plus du parc du château de Florans (fief historique) a essaimé: le domaine départemental de l’Etang des Aulnes, l’abbaye de Silvacane, le temple de Lourmarin... mais jamais à Rognes, où ont lieu les concerts de jazz (pas tous, mais rien que) du Festival. C’est donc uniquement sous ce prétexte quelque peu farfelu je vous l’accorde – et au seul vu des critiques, a priori plutôt positives, concernant l’artiste dont nous ne connaissions rien – que nous nous sommes rendus au concert d’hier soir. Mais au final qu’importent les raisons? Car la soirée a dépassé de loin toutes les espérances que nous aurions pu y mettre.

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La nuit tombe. Côté public, un couple se rapproche. Elle passera tout le concert la tête sur son épaule. D’autres les imitent. Baptiste Trotignon varie les genres au sein des mêmes morceaux, qui commencent souvent sous l’aspect d’une pièce “classique”, qu’on pourrait très bien imaginer tiré du répertoire romantique ou du début XXe, par exemple; puis, lentement, des rythmes plus syncopés, des accords plus jazz apparaissent. Passant d’une ballade limpide à une rythmique sud-américaine, tantôt berçant le public en douceur, tantôt martelant le clavier avec une virtuosité de forcené, sans que l’on puisse dire quand et comment il est passé de l’un à l’autre, il interprète ses propres compositions ou réinvente les standards, rendus méconnaissables, dont il cite ensuite les titres comme pour s’excuser de les avoir transfigurés. En dépit du mistral de plus en plus présent – et de plus en plus frigorifiant (en pleine période de canicule!) –, Trotignon a tenu le public, dont votre serviteur, sous son charme pendant toute la soirée.