15.1.08

Un ange vagabond

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Nos pères le savaient bien, qu’on n’écoute plus assez: LIRE EST UNE ACTIVITÉ DANGEREUSE (et pas seulement à cause du risque de se prendre une pile de bouquins sur la tronche, qu’on se le dise).

En 1990, perverti par la fréquentation de Tolstoï, London, Thoreau et quelques autres, Christopher McCandless, très-brillant étudiant, fraîchement diplômé de l’Emory University d’Atlanta, fils de bonne – et riche – famille (avec juste ce qu’il faut de cadavres dans le placard), décida qu’il y avait mieux à attendre de la vie qu’un futur tout tracé de cadre costard-cravaté, qu’une voiture neuve n’avait rien d’un besoin vital pour lui, que les mensonges, les aigreurs, la violence plus ou moins rentrée qui caractérisaient le foyer familial n’étaient pas un modèle qu’il souhaitait reproduire.

L’été de ses vingt-deux ans, alors que ses parents le pensaient occupé à préparer sagement son entrée à Harvard, il détruisit tous ses papiers d’identité, envoya l’intégralité de ses économies à une association caritative, remplit un grand sac à dos et disparut, en effaçant soigneusement ses traces, pour mener une vie de vagabondage. Deux ans d’errance à travers les Etats Unis – Californie, Dakota, Colorado... – avant de prendre le chemin de l’Alaska pour une robinsonnade sans retour.

Devenu à titre posthume une figure de la culture américaine contemporaine après la publication du livre écrit à son sujet par le journaliste Jon Krakauer (1996), MacCandless a tout de suite intéressé Sean Penn, mais il lui aura fallu attendre plusieurs années avant que la famille ne l’autorise à réaliser le film qu’il projetait, et qui vient de sortir sur nos écrans.

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Perclus de tics de mise en scène, et assez poseur par moments, Into the wild n’est assurément pas un chef-d’œuvre absolu du Septième Art, mais la récurrence de purs instants de beauté et d’émotion alliés à la force générale de l’histoire racontée relèguent largement ces défauts au second plan. Entouré par un casting impeccable – William Hurt, Catherine Keener, Vince Vaughn, Kristen Stewart (jolie révélation, la sensibilité à fleur de peau), Hal Holbrook, pour ne citer qu’eux –, l’interprète principal, Emile Hirsch, belle gueule d’ange mal rasé, consacre là son entrée dans la cour des grands: remarquable tout au long du film, il livre particulièrement dans les dernières séquences du film une prestation qui l’inscrit, sans avoir à rougir de la comparaison, dans la meilleure ‘‘tradition’’ américaine en la matière.

En parlant de tradition, Sean Penn, au scénario et derrière la caméra, s’est, lui, visiblement, inspiré des road-movies des années 70. La formule, qui fait la part belle aux rencontres du hasard de la route, se révèle particulièrement adaptée ici. Au fil de son itinéraire vagabond, Chris semble se reconstituer une nouvelle famille virtuelle, disséminée à travers le pays: parents (un couple de hippies), tonton sympa (un ouvrier agricole), petite amie (une guitariste), grand-père (un ancien soldat à la vie brisée)... Fidèle à sa logique, le jeune homme aux semelles de vents poursuit toutefois sa route, son rêve, jusqu’en cet Alaska où cet «extrémiste» de la liberté, comme il se décrivit lui-même, pourra faire l’expérience de la solitude absolue. Pour y trouver moins une communion avec la nature que les forces nécessaires à une réévaluation de sa vision des rapports humains. Ainsi, sans rien renier du chemin parcouru, nécessaire pour se délester du poids des convenances hypocrites et des idées toutes faites, la route de MacCandless et le film de Sean Penn s’achèvent sur une belle réconciliation avec le monde et les hommes. happiness is only real when shared.