12.3.06

Coup de gueule (en direct du Quartier Latin)

Je suis arrivé hier à Paris, j'aurais pu vous parler de l'expo Bonnard que nous avons visité dans l'après-midi ou de la soirée créperie avec des amis de Sophie, mais là l'actualité est peu moins drôle. En effet depuis hier soir les chartistes s'échangent des courriels pour essayer de se renseigner sur l'état de leur Ecole après l'occupation de la Sorbonne.

On peut être contre le CPE (je le comprends d'autant mieux que je suis aussi dans ce cas) et contre la façon dont le gouvernement essaye de le faire passer en force. On peut faire des manifestations. Bloquer les universités en empêchant les étudiants d'aller en cours me semble déjà une démarche plus difficilement justifiable (je ne vois pas bien le rapport avec le CPE...), mais passe encore.

En revanche ce qui s'est passé à la Sorbonne relève du saccage pur et simple et plus de la politique. D'après les sources que Sophie a pu consulter (dépêches d'agences de presses, journaux, et finalement policiers en station devant la Sorbonne) les étudiants étaient largement minoritaires parmi les "occupants" (une cinquantaine) essentiellement composés d'intermittents du spectacle dont on se demande bien ce qu'ils avaient à faire là. Pendant que les étudiants accumulaient les AG qui de leur propre aveu ne menaient pas à grand chose, et que Libé prenait des photos pour faire une "une" assez crétine sur "le printemps de la Sorbonne" (revival Woodstock), les services d'ordre que les étudiants occupants ont tenté d'établir se sont a priori laissés déborder par les vandales et les casseurs.

Dans cette affaire c'est l'Ecole des chartes (au risque que la répétition de ce nom fasse à nouveau apparaître cette page sur leurs radars... je crois que ça n'est pas leur principale préoccupation du moment) qui a semble-t-il payé un lourd tribut. Or, l'Ecole des Chartes est une gigantesque bibliothèque où des livres, dont un bon nombre d'anciens (certains datant de plusieurs siècles) et des raretés, sont en libre accès sur les rayonnages dans toutes les pièces et même les couloirs.

Le résultat, c'est que ce sont rien moins que douze mille cinq cent livres (12503 pour être précis, d'après les informations que nous ont donné les policiers stationnés devant la Sorbonne) qui ont été détériorés, le degré de la détérioration en question allant des reliures arrachées au bûcher pur et simple dans la Cour d'honneur, en passant par la transformation en projectiles à lancer sur les CRS.

Quant à l'état des locaux proprement dits (boiseries classées...), on est pour l'instant sans nouvelle sûre.

Il s'agit là d'un acte inqualifiable, même si des termes comme "vandalisme pur et simple" ou encore "quelle bande de connards" viennent immédiatement à l'esprit. Qu'on soit pour ou contre le CPE, il s'agit là d'un vaste saccage sans aucun rapport avec l'actualité politique (et qui soit dit en passant risque de faire pas mal de tort aux "vrais" tenants du mouvement), c'est de la barbarie pure et simple. Et encore, les barbares ne s'en sont pas pris à leur propre culture.

On peut trouver que la politique du gouvernement tend à faire revenir le droit du travail à l'époque de Charles X, ça n'est pas une raison pour repartir carrément, de l'autre côté, dans l'Antiquité tardive.

Pour finir sur une note plus égoïste, le fait que la Sorbonne soit bouclée pendant une semaine (aux dernières nouvelles) devrait certes me permettre de passer plus de temps avec ma charmante hôtesse, mais autant vous dire qu'elle n'est pas actuellement d'une humeur très tendre.....