4.4.07

Grincements de dents dans un amphi anglais

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Une public school anglaise, l’avant-dernier jour de l’année, 18h30. Taplow, élève de seconde, attend son professeur de grec ancien qui l’a convoqué pour lui faire rattraper un cours. Et pas question de sécher. Sévère autant qu
introverti, à la limite de la psychorigidité, Andrew Crocker-Harris, dit «le croco» (ou encore, selon le directeur de l’école, «le Himmler de la classe de seconde»), n’est pas vraiment un enseignant populaire. Il s’apprête à quitter prématurément son poste, contraint par des ennuis de santé, au moment même où il espérait une promotion. Bafoué par sa femme, moqué par ses élèves, méprisé et spolié par sa hiérarchie, humilié par tous, Andrew va passer une soirée éprouvante qui pourrait lui être fatale... ou lui permettre, peut-être, de prendre un nouveau départ salvateur.

La Version de Browning est une pièce de 1948, écrite par Terence Rattigan, prolifique auteur briton peu connu sur nos côtes. La mise en scène qu’en propose Didier Bezace, créée en janvier 2005 au Théâtre de la Commune à Paris, vient de faire à Marseille l’une des dernières escales de sa tournée. Justement récompensée par deux Molières, elle fait parfaitement ressortir la cruauté de ce texte grinçant qui fait couler l’acide dans l’univers feutré des public schools britanniques – univers (a fortiori à l’époque de la rédaction de la pièce) pétri voire sclérosé de conventions sociale et de bienséances s’il en est, desquelles Crocker-Harris devra parvenir à s’extraire pour survivre. Le choix de situer l’ensemble de la pièce dans le décor de la salle de classe vide produit parfois quelques effets gênants pour la compréhension de certains points, mais ces détails s’oublient vite et sont de peu de poids au regard de la force symbolique de l’utilisation de cet espace dans lequel le personnage erre, commandeur déchu, presque fantomatique par instants. Enfin, pour ce qui est de l’interprétation, si l’ensemble de la distribution est d’un très bon niveau, dans le rôle principal Alain Libolt, lui, est tout simplement extraordinaire. Sa diction et son jeu très particuliers confèrent un caractère véritablement unique et particulièrement marquant au personnage. Bref, une réussite sur tous les plans.