9.10.08

L’Année de la (pauvre) France

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C’est désormais officiel, ou en tout cas si massivement apparent, évident, que c’est quasiment tout comme. Le monde entier se fout de nous.

Au printemps, la Palme d’Or attribuée par Sean Penn à Entre les murs aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. (Je veux bien consentir, je le signale au passage, à attribuer à ce film la possibilité qu’il ait quelques mérites sur le plan de la mise en scène, encore que j’aie du mal à les imaginer tels qu’ils méritent à eux seuls un tel honneur, mais c’est ce qu’il y a de bien avec les films à thèse, on peut refuser d’aller les voir par principe; ce que je persisterai donc à faire, le principe étant que Bégaudeau me tape sur les nerfs, et que je préfère mettre l’argent du ticket de ciné sur le dernier Béla Tarr: fin de parenthèse.) – Aujourd’hui, nouvelle offensive. Et qui frappe fort, très fort. Le complot est énorme. J.M.G. Le Clezio vient de se voir décerner le Prix Nobel de Littérature.

Preuve que le coup était monté de longue date et qu’on devait s’en plier de rire à l’avance dans les couloirs suédois, la rumeur de l’attaque avait filtré depuis plusieurs jours. C’est bien la première fois que j’entends les rumeurs d’attribution précédant l’annonce officielle du lauréat se révéler exactes.

Tout cela révèle visiblement d’un principe trop systématiquement appliqué pour que sa nature artificielle ne nous saute pas aux yeux, puisqu’il s’agit, à chaque fois, d’aller chercher dans ce qu’il y a de moins reluisant, ou à peu près, dans notre ‘‘patrimoine culturel’’, pour décerner à l’heureux ‘‘élu’’, avec une ironie que je ne peux m’imaginer autrement que féroce, une des plus hautes distinctions existant dans un domaine donné (le cinéma, la littérature). Le pire, c’est que je gagerais que ce principe, ils sont allés le puiser directement chez l’ennemi: chez Victor Hugo, dans Notre Dame de Paris! Soyons-en sûrs, ce à quoi nous assistons en ce moment, c’est à une vaste, gigantesque, planétaire Fête des Fous, avec la France dans le rôle de Quasimodo. (Ne reste plus qu’à déterminer, en somme, si c’est la présence de Nicolas Sarkozy à la tête de l’Etat qui est cause que l’on se gaudit ainsi de nous, ou si le mal vient de plus loin.)

Oh! j’en ai certes conscience, tant qu’à chercher dans nos littérateurs actuels, ils auraient pu tomber plus mal encore que sur Le Clezio. – Le fin du fin aurait sans doute été de l’attribuer conjointement à Houellebecq et BHL, par exemple, mais enfin, ils n’ont tout de même pas osé aller jusque-là. – Amélie Nothomb a dû sentir passer le vent du boulet: pas de chance pour elle, elle est belge. – Mais même si je déplorais moi-même, il y a quelques mois, la disparition coup sur coup des dernières grandes figures en date à avoir ‘‘incarné’’, d’une manière ou d’une autre, notre littérature (Julien Gracq, Alain Robbe-Grillet, Aimé Césaire), je ne peux croire que la scène soit désormais si vide, au pays de Tournier, de Germain, de Roubaud, de Rouaud, d’Echenoz, de Quignard, de Glissant, de Chamoiseau, de Bonnefoy, de Sollers (au moins on aurait rigolé!), et d’autres que j’oublie sans doute, qu’on n’y ait rien trouvé de mieux qu’un Jean Marie Gustave Le Clezio pour inscrire son nom à la suite de ceux d’Albert Camus, de Saint-John Perse et de Claude Simon. – Cela, sans parler des grands noms de la littérature mondiale que l’on fait lanterner depuis des lustres, en leur assurant année après année qu’ils ont toutes leurs chances, et qui doivent ronger leur frein pendant que ces messieurs de l’Académie Nobel occupent leur temps et leur argent à se ficher de la gueule de la France...

Il s’en trouvera peut-être pour tomber dans le piège, pour me taxer encore d’éternel insatisfait et même d’antipatriote puisque que je ne me réjouis pas des succès et consécrations des représentants de notre beau pays. Attention. Ce n’est pas parce que je suis parano qu’ils sont pas tous après nous.