7.6.07

La Psychanalyse Amusante, expérience n°3

Image Hosted by ImageShack.us

La mythologie et la psychanalyse ont un langage en commun: le symbole. – De là, probablement, la grande consommation que la seconde a fait de la première. – Sam Raimi semble avoir bien compris ce rapport, lui qui depuis trois films maintenant utilise la mythologie comics pour nous brosser une épopée psychanalytique. Après le passage de l’enfance à l’adolescence (Spiderman) et à l’âge adulte, doublé d’interrogations sur la conscience (Spiderman 2) – et comme il était difficilement envisageable de faire passer directement Peter Parker à la crise de la cinquantaine ;-) – c’est ici de démons intérieurs qu’il sera question, de ces zones d’ombre héritées du passé que notre héros refuse d’affronter et qui vont fatalement le submerger, s’emparer de lui.

Spiderman 3 est difficile à résumer tant il peut donner l’impression de partir un peu dans tous les sens. Un couple qui bat de l’aile sans qu’il s’en rende même compte, une substance extraterrestre qui entre en symbiose avec lui et le libère de toute inhibition (genre kryptonite rouge pour Superman, mais en plus noir et visqueux), une rivalité professionnelle avec un autre photographe horripilant, son ex-meilleur ami qui lui en veut toujours de la mort de son père et reprend le flambeau de la super-vilenie, un colosse transformé en bonhomme de sable dont il apprend qu’il aurait été impliqué dans le meurtre de son oncle (évènement traumatique fondateur, on s’en souvient): notre sympathique homme-araignée a du pain sur la toile, il ne sait plus où donner de la tête, et le spectateur non plus.

Raimi, de fait, semble avoir décidé de traiter de façon simultanée le plus large panel possible de ‘‘méchants’’ – de l’incarnation du Mal absolu au brave type malchanceux qui a mal tourné. Logique de surenchère? Volonté de couvrir un maximum de pistes au moment de mettre un terme à une trilogie? Il me semble plutôt, en dernier ressort, que cette multiplication générale des personnages s’inscrit dans la structure générale du film, qui travaille à fond le thème du double – Peter Parker/Spiderman bien sûr, mais aussi Mary-Jane/Gwen Stacy, Peter Parker/Eddie Brock, Spiderman/‘‘Spiderman en noir’’ puis ‘‘Spiderman noir’’/Venom, Harry et son père, les ‘‘deux’’ assassins de l’oncle Ben –, au point que l’on ne sait plus trop qui est le doppelgänger de l’autre.

Image Hosted by ImageShack.us

Spiderman 3 est certes loin d’être exempt de maladresses: des grosses ficelles tire-larmes à la morale finale assénée par une voix off redondante, des facilités scénaristiques les plus improbables à ce satané drapeau étazunien devant lequel le héros masqué se doit d’apparaître soudain à un moment crucial pour que tout le monde comprenne que le Gentiiiil est de retouuuuuur. De manière générale, on a parfois nettement l’impression que Raimi arrive moins bien à gérer le côté ‘‘superproduction’’ de ce film – vendu partout dans le monde comme le-film-le-plus-cher-à-ce-jour-du-cinéma-américain (ce qui est rarement bon signe d’un point de vue artistique...) – qu’il ne parvenait à le faire dans le précédent opus de la saga. Mais si les défauts du film correspondent aux défauts trop fréquents, trop habituels, du genre superhéroïque, Sam Raimi se permet en parallèle, dans des parties du film plus détachées de cet aspect des choses, des libertés inattendues et réjouissantes, la plus étonnante étant sans doute les multiples clins d’œil qu’il adresse tout au long du film à un autre ‘‘genre’’ hollywoodien, celui... de la comédie musicale!

Au sortir de la salle, je me suis brusquement souvenu d’un autre troisième volet d’une autre trilogie que signa autrefois le même Sam Raimi. La trilogie, c’était Evil Dead, le troisième opus, L’armée des ténèbres, un monument de dinguerie qui poussait le bourrinage jusqu’aux limites du film expérimental irregardable (que devient un film d’action quand on ôte toutes les séquences et même les plans qui servent à construire et faire avancer l’histoire, pour ne garder que les plans d’action pure et les punchlines crétines?). Et je me suis brusquement demandé si Raimi ne nous avait pas refait le coup. Si Spiderman 3 n’était pas l’équivalent blockbuster de ce qu’était L’armée des ténèbres à la série Z fauchée.

Il se pourrait, en fin de compte, que le film ait les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts. Que sa surcharge d’intrigues diverses, sa multiplication des personnages, son irréalisme total de l’utilisation de l’espace dans les scènes d’action, ses numéros de danse, soient autant d’indices d’un choix parfaitement assumé de basculement dans le joyeux n’importe quoi (qui, peut-être, ne serait d’ailleurs pas sans rapport avec le thème même du film). Que son destin futur soit celui de devenir une sorte de film crypto-culte, dont – dans le même temps que la masse des spectateurs le regardera pour son efficacité d’entertainment (qu’il ne s’agit pas de nier) –, les initiés se passeront le DVD sous le manteau, en louant la richesse des pistes ouvertes par sa symbolique mythologico-comicso-psychanalytique et la liberté barge de son metteur en scène.