16.2.10

Plaidoyer pour une hibernation bloggesque
à l’usage d’éventuels lecteurs passant encore par là



Je n’aime pas les gens qui sont si fort maîtres de leurs pas et de leurs idées, qui disent: «Aujourd’hui je ferai trois visites, j’écrirai quatre lettres, je finirai cet ouvrage que j’ai commencé.» – Mon âme est tellement ouverte à toutes sortes d’idées, de goûts et de sentiments; elle reçoit si avidement tout ce qui se présente!... – Et pourquoi refuserait-elle les jouissances qui sont éparses sur le chemin difficile de la vie? Elles sont si rares, si clairsemées, qu’il faudrait être fou pour ne pas s’arrêter, se détourner même de son chemin, pour cueillir toutes celles qui sont à notre portée. Il n’en est pas de plus attrayante, selon moi, que de suivre ses idées à la piste, comme le chasseur poursuit le gibier, sans affecter de tenir aucune route. Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite: je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin; de là je pars obliquement pour aller à la porte; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façon, et je m’y arrange tout de suite.


Xavier de Maistre, Voyage autour de ma chambre, 1795. Photographie sans titre de Lee Miller, c.1930.